Le 18 juillet prochain verra le second anniversaire de la mort de celui qu'on appelait simplement: "Regino".
Disparu le 18 juillet 2005, Regino Antonio Jiménez Saez était considéré comme un des plus grands olú-batá de Cuba.
Disciple du grand Jesús Pérez "Oba Ilú", Regino avait la charge d'un des "tambours" les plus prestigieux de La Havane.
Sur le modèle de son maître Oba Ilú, et avec lui, Regino a participé à de nombreux projets culturels d'état, dès les premiers temps de la nouvelle ère révolutionnaire, tels que:
-Conjunto de Danza Moderna en 1963, qui deviendra
-Danza Contemporanea de Cuba.
-Teatro y Danza Nacional de Cuba dont il sera le directeur musical pendant 30 ans, prenant la succession de Jesús Pérez disparu en 1983.
Il a également participé à de nombreux projets autour du folklore cubain:
-Grupo Orú de Sergio Vitier
-Grupo Sonoridad de Gonzálo Rubalcaba
-Orquesta Sinfónica Nacional
Homme cultivé, Regino a collaboré non-seulement avec les instances artistiques cubaines, mais également avec des scientifiques tels Rogelio Martínez Furé ou Argeliers León, intervenant à nombreuses reprises dans les universités.
Ci-dessus un extrait du film "Arte de Cada Día", dans lequel on voit Regino chez lui, présenter ses Saints, et expliquer qu'il est né aveugle et comment Yemayá lui a rendu la vue.
La carrière discographique de Regino est essentiellement associée à deux albums relativement différents:
1° Conjunto de Percusión de Danza Nacional de Cuba - Homenaje a Jesús Pérez.
(AREITO LD 4246 - 1987)
Cet album, jamais édité en cd, était un des rares enregistrements de musique yoruba disponibles à la fin des années 1980. N'étant plus disponible nulle part, nous essaierons bientôt d'en mettre une version numérisée en téléchargement gratuit sur ce site. Le personnel en est l'équipe de percussion folklorique de Danza Nacional, avec à sa direction Regino Jiménez. Les autres musiciens sont, tel que l'annonce la pochette du disque vinyl:
Ángel Bolaños - coordenador
Orestes Berrio - tumbas, batá
Armando Abellí - tumbas, batá, coro
Orlando López - censerros
Alejandro Pichardo - trompeta, catá, tumbas
Inés Carbonell - coro
Nancy Rodríguez - coro
Ricardo Gómez Santa Cruz - coro
Orestes Suárez - coro
Ciro Colás - coro
Aucune précision n'est apportée quand au rôle de soliste des chanteurs. Outre la musique yoruba et arará (8 titres), le disque comprend
-du folklore congo: "Rezos y Cantos de Palo", "Canto de Garabato", "Rezos y Cantos de Makuta" et "Canto de Yuka".
-du folklore abakuá: "Enkame de Abakuá (Efó-Efí)".
-deux rumbas: "Guaguancó" et "Columbia".
-une conga
La collaboration de Regino avec les instances d'état cubaines et le poste important qu'il occupait, ajouté à ses activités de musicien de rituel
(il joue six à huit fois par semaine certains mois avec son "tambour"), ont sans doute laissé peu de temps à Regino pour s'investit dans d'autres projets.
Cependant, en 1994, sous la direction artistique du Dr. Andrew Schloss, il participe à un projet culturel d'envergure au Canada, au Banff Center for the Arts, qui conduira, après divers concerts, avec la production artistique de Michael Spiro, à un enregistrement pour Fundamento productions: c'est le projet Ilú Añá.
2° Ilú Añá - Sacred Rhythms (FUNDAMENTO 001 - 1994)
Le projet artistique concerne cinq artistes d'envergure du folklore cubain:
-Amelia Pedroso Acosta, immense chanteuse, nièce de Lázaro Pedroso, une des rares femmes à être reconnue comme sachant bien jouer les tambours batá, et leader d'un groupe folklorique de femmes, Ibú Okun.
-Librada Quesada Mazorra, première danseuse du Conjunto Folklórico Nacional dont elle a été membre-fondatrice, et où elle restera plus de 25 ans.
-José Pilar Suárez, originaire de Cienfuegos, membre de Conjunto de Clave y Guaguancó (avec Amelia Pedroso), chanteur et percussionniste reconnu.
-Fermín Naní Socarras, qui a rejoint le Conjunto Folklórico Nacional en 1967, puis Danza Contemporanea en 1981. Ex-membre d'Irakere et des tournées internationales du Show Cabaret Tropicana.
Malheureusement, la quasi-totalité des protagonistes du projet sont décédés, sauf José Pilar.
Librada Quesada, doyenne du groupe, a disparu la première.
"Amelita" Pedroso est décédée le 24 mai 2000, d'un cancer du poumon.
Regino Jimémez a disparu le 18 juillet 2005, et maintenant c'est
Fermín Naní qui est décédé le 3 mai 2007. des suites de problèmes cardiaques.
Voici un autre extrait du film "Arte de Cada Día le mettant en scène:
L'équipe du projet "Ilú Añá" a réalisé un travail remarquable, notamment avec des chants rares pour Ogún, qu'Amelita aurait, d'après son oncle Lázaro "ramené de Palmiras à La Havane, où elle a réussit à les imposer, tout comme le chant pour Eleguá qui dit: Addó fa Alabukenke - eriwó le ka wó". Ces chants pour Ogún sont naturellement accompagnés par le toque semblable à celui dit "arará alante", mais dans la version permettant d'accompagner les chants venus du palo-monte. Dans les provinces rurales, les cultes d'Oyá et d'Ogún sont parfois mélangés au palo-monte, d'où l'apparition de mots espagnols dans ces chants intégrés au répertoire yoruba, mais venant du palo, comme celui figurant dans le disque, qui dit:
"Con Arere con se juega si juajuani
Sí se juega con cuidado, si juajuani"
Outre les sept premiers morceaux chantés pour Eleguá, Oyá, Ogún, Yemayá, Obatalá, Ochún et Changó, qui sont un des rares témoignages où l'on peut entendre le sens mélodique très développé d'Amelita (avec le premier album de "Santísimo"), le cd contient un oro seco entier, avec chaque toque séparé, ce qui constitue un outil précieux pour l'étude des tambours, même si le son des tambours contient beaucoup d'harmoniques, trahissant l'usage de tambours et de peaux "d'usine" de facture non-cubaine. Les choeurs sont de très bonne qualité, malgré le peu de musiciens (cinq) ayant enregistré.
Il est à souligner que les textes des chants yoruba, chose rare, figurent dans le livret et ont été remarquablement transcrits par Carol Steele, Michael Spiro et Scott Wardinsky. On peut trouver ce cd sur Descarga.com.
Le cd est clôturé par une tonada trinitaria, très probablement ramenée de Cienfuegos par José Pilar. proche du yambú, ce style quelque peu confidentiel, considéré comme un des antécédents de la rumba, est propre à la région de la côte sud de Cuba, Trinidad, Santa Clara, Cienfuegos et Sanctis Spiritus.
Dans la série de concerts donnée par le groupe au Canada figure l'américain Mark Lamson, que l'on voit sur ces photos du site flaco.net. La plupart des photos qui suivent proviennent des sites américains et canadiens sur le projet Banff-Ilú Añá.