samedi 26 janvier 2008

Les Méthodes de Tambours Batá: numéro 1 - Daniel Alfonso - El Lenguaje del Tambor


Média: 2 dvds
Langues: Espagnol et Anglais
Note: 20/20
Édition: Kabiosile.org

Beaucoup de percussionnistes en France (et en Europe) intéressés par l'étude des batá semblent quelque peu perdus, on le constate sur les différents forums consacrés à la percussion, quand il s'agit de trouver un professeur ou un ouvrage pédagogique, méthode de tambours batá ou de chant.
Nous allons tenter ici de les aider en essayant de décrire de façon exhaustive les ouvrages existant, et d'en faire une sorte de "ban d'essai".

Nous entamerons ce nouveau chapitre par ce qui sera sans conteste la meilleure méthode existant, parue récemment.
Il s'agit de "El lenguaje del Tambor" (Kabiosile Productions), qui traite des tambours batá de style matancero. Si on devait trouver un seul défaut à cet ouvrage remarquable, ce serait justement qu'il s'agisse de batá de Matanzas. Loin de nous l'idée de dénigrer le style matancero, mais nous aimerions tant avoir à notre disposition une méthode de style havanais de même qualité.

Daniel Alfonso, photo Kabiosile.org


La méthode est centrée autour du batalero Daniel Alfonso Herrera, un des plus grands joueurs de batá de Matanzas. Y participent également:

-Maykel Gazmuri Rodríguez,

-Yosvany Oliver Cortadella,

-Reynier Urrutía Fernández, et en tant qu'invité:

Chachá Vega, photo Dario Jacopo Laganà


-Esteban "Chachá" Vega un peu avant sa mort, nous gratifiant d'une interview très instructive sur l'histoire des batá dans la ville de Matanzas.

-Alberto Calvo Prado est derrière tout cela, en tant que producteur artistique et directeur de Kabiosile, fondé par Tina Gallagher, et les Américains Michael Spiro, Bill Summers, Kevin Repp et Vanessa Lindberg ont également largement apporté leur pierre à l'édifice, dans la production et dans la transcription des toques, comme nous le verrons dans l'article sur le livre qui va avec les dvds.
Une chose est remarquable, c'est la façon dont les auteurs américains se mettent en retrait par rapport à l'homme qui dispense l'essentiel des informations: Daniel Alfonso.

La méthode est en espagnol, sous-titrée en anglais.


La première bonne idée qu'on eue tous ceux qui ont participé à la réalisation de cette méthode est de vendre séparément le dvd et le recueil de partitions, ce qui ne rend pas obligatoire aux non-lecteurs l'achat d'un volumineux ensemble de partitions inutile pour eux.
Le premier dvd commence par une interview de Daniel Alfonso de près de 10 minutes. On passe ensuite à la vidéo de chaque toque de l'oro seco matancero, avec une courte présentation de chaque Oricha par Daniel Alfonso lui-même, soit:
Eleguá (2 toques), Ogún, Ochosi, Inle, Babalú Ayé, Osáin, Oricha Oko, Orula, Agayú, Changó (2 toques), Obatalá, Yewá, Obba, Oyá, Ochún, Olókun, et Yemayá. Chaque vuelta des toques est sous-titrée. De nombreux gros-plans sont faits sur les passages importants sur chaque tambour.


À la fin du premier dvd on a droit à une seconde interview de Daniel Alfonso, et des autres musiciens, avec en plus l'intervention du chanteur Reynier Urrutía, tout ceci d'une durée de 18 minutes. Cette partie a pour but de justifier le titre-même de la méthode (El Lenguaje del Tambor), et démontre comment certains toques se calquent parfaitement sur les chants qu'ils accompagnent. Pour illustrer ce fait, en guise de bonus-tracks, on a droit à quelques toques supplémentaires:
-Lalugbanche,
-un toque appelé "Pa' la Calle",
-Ayakuta (qui figure dans le cd "Antología de la Música Afrocubana vol.II - Orú del Igbodú" pour Agayú),
-Ala Dide (Aro Dide, pour Obatalá) sans chant puis avec le chant,
-Comarita (Cheke, pour Ochún) sans chant puis avec le chant,
-Oricha Pawa (pour Obatalá) sans chant puis avec le chant,
-Bonko Iwoloro (pour Obatalá également) avec le chant, Chakumalekun (pour Ochún) avec le chant,
-Eni tolowo (Eni o gbogbo so loyú, pour Ochún),
-Bima Ochún Ba ilele (également pour Ochún), tout cela en 12 minutes.
La plupart du temps on donne deux versions du toque, et le joueur d'iyá change.
Cerise sur le gâteau: on a droit à une interview de Chachá Vega de 12 minutes, témoignage poignant filmé quelque temps avant sa disparition.


La densité du montage vidéo est remarquable, sans temps morts.
Le second dvd est consacré à l'étude détaillée de la technique spécifique aux batá de Matanzas, et l'on découvre certaines frappes spécifiques à okónkolo, ou comment l'on utilise quasiment des toniques sur le chachá, puis comment techniquement il faut aborder chaque toque, tambour par tambour, avec un acheré sur le temps permettant de ne pas se tromper sur la pulsation. Pour certains toques "complexes" tels Yemayá, un récapitulatif du toque est a nouveau donné avec les trois tambours ensemble.
Ces deux dvds constituent à notre avis la meilleure méthode de batá existant sur le marché, une vidéo pédagogique unique et d'une qualité exceptionnelle, tant rien n'est laissé au hasard.
Le double dvd est disponible au prix de 49$95 (plus frais d'envoi) sur:
http://batadrumming.com/ ICI

Voici maintenant plusieurs extraits des deux dvds visibles sur YouTube:

vendredi 25 janvier 2008

Les Méthodes de Tambours Batá: numéro deux - Bata Rhythms from Matanzas


Média: Partitions
Langues: Espagnol et Anglais
Note: 17/20
Édition: Kabiosile.org

Michael Spiro, photo michaelspiro.com


Il s'agit cette fois du recueil de partitions, vendu séparément, qui contient les transcriptions concernant le double dvd:
"El Lenguaje del Tambor".
Les transcriptions concernent uniquement l'orú seco matancero, alors que le dvd contient en plus quelques toques supplémentaires (voir article ci-dessus).
Ces transcriptions sont le fait de quatre personnes - pas moins: d'une part Neraldo Durán et Bill Summers (déjà auteur d'un recueil de transcriptions), et d'autre part Kevin Repp et Vanessa Lindberg, qui ont assuré le rôle de "correcteurs". Michael Spiro semble "chapeauter" cette belle équipe, lui qui n'en est pas à son premier coup d'éclat.

Bill Summers, photo Basin Street Records


Premier petit "bémol": si on ne peut douter de la précision des rythmes transcrits, on trouve dans ce recueil des toques transcrits parfois selon une cellule de la clave en deux mesures, et parfois transcrits selon une cellule de la clave en une seule mesure, ceci qu'il s'agisse de toques binaires ou ternaires. Aucune précision n'est apportée à ce sujet, ce qui peut créer une certaine confusion quand on essayera d'utiliser ces mêmes toques avec des chants. Une référence permanente à la clave aurait à notre avis été nécessaire. Les toques sont bien écrits "en clave", mais le cycle de la clave n'est jamais pris en référence.

Page 1/2 de la transcription du toque à Ogún
(toque spécifique de Matanzas), photo Kabiosile.org
(cliquez pour agrandir)


Les toques suivants sont écrits selon un cycle de la clave en deux mesures:
Latopa, Ochosi, Babalú Ayé, Osáin, Oricha Oko, Agayú,
Changó "Aluyá", Changó "Meta", Yewá, Obba, Oyá, Olókun et Yemayá
(ils sont majoritaires).
Les toques suivants sont écrits selon un cycle de la clave en une seule mesure:
Eleguá Nitan (Echú-Olókun), Ogún (matancero), Inle, Orula, Obatalá,
Le cas d'Ochún (Chenche Kururú) est particulier: comment placer la clave sur un toque auquel ne correspond aucun chant "mesuré" sur la même pulsation. Beaucoup pensent que la partie d'itótele exprime clairement le cycle de la clave (nous sommes assez d'accord avec cette idée), auquel cas le toque est ici transcrit "en décalé" par rapport à la clave. Mais il s'agit-là d'un cas particulier duquel on peut débattre longtemps, et la faute n'est pas absolument avérée.
Autre petit probléme: on ne sait pas, en se référant seulement aux transcriptions, comment on finit les toques. Il faut alors le vérifier sur les dvds.

Les indications données quand aux différentes "vueltas" ou "vires" sont en deux langues et d'une clarté remarquable (nom des vueltas, nature des vueltas, nombre de fois qu'il faut les jouer, sous-titres correspondant aux vueltas dans le dvd, références à la danse…).

Photo Kabiosile.org


Second petit "bémol": on peut regretter qu'il manque à cette méthode de batá version "papier" un chapitre "culturel" (et quelques photos) sur le culte santero, l'histoire des tambours à Matanzas, des olubatá matanceros, la technique de jeu, etc…, mais il est vrai que ce sujet est assez bien débattu avec les différentes interviews figurant dans le dvd.
On peut donc considérer - et c'était là sans doute son unique ambition - que ce recueil ne constitue qu'un complément aux dvds "El lenguaje del Tambor". L'acquérir sans acheter les dvds n'aurait malheureusement qu'un intérêt moindre, surtout pour des débutants.

Autre problème quand à la lisibilité des transcriptions: étant donné que le nombre de sons sur les batá mantanceros est au nombre de six (contre trois "basiques" sur les batá havanais: "tonique", "claque" et "presionado"), et étant donné que l'on n'utilise jamais de sons "qui durent" (transcrits par des "blanches" ou des "rondes") sur les batá, il aurait été souhaitable, à notre avis, d'utiliser un logiciel de partitions qui autorise des signes autres, tels que des croix (pour les claqués?), des losanges, etc… au lieu de changer simplement de note sur la portée. Les partitions n'en auraient été que plus lisibles, pour nous percussionnistes qui lisont mieux les rythmes que les notes.

Une chose est, il faut l'avouer, très appréciable dans cette méthode, c'est la volonté évidente de leurs auteurs de ne pas se mettre en avant (nulle part on ne voit dans les deux médias une photo d'eux), mais au contraire de servir la musique et les artistes cubains. C'est malheureusement chose rare dans le milieu assez confidentiel des méthodes de musique cubaine que les auteurs ne se mettent pas en avant, comme si non contents du bénéfice commercial (il est vrai rarement très lucratif), ils voulaient en plus eux-mêmes se hisser un peu plus haut qu'ils ne sont réellement et se faire briller. Nombreux sont les ouvrages pédagogiques où les auteurs posent fièrement, souriants de toutes leurs dents, et consacrant une page à leur ciruculum vitae alors que ce qui prime est l'intérêt pédagogique avant tout, trop souvent négligé.

On peut trouver ce recueil au prix de 39$95 (plus frais d'envoi) sur le site de Kabiosile.org ICI
Un pack dvd+book est également proposé pour 74$95 (plus frais d'envoi).

jeudi 24 janvier 2008

Les Méthodes de Tambours Batá: numéro trois - The Music of Santeria


Média: Partitions et cd audio
Langues: Anglais
Note: 18/20
Édition: White Cliffs Media 1991
Seconde Édition: White Cliffs Media 1999

Sans doute la plus ancienne méthode de tambours batá commercialisée, mais certainement pas la moins bien réalisée, ni la moins intéressante. Elle concerne l'orú seco de style havanais, bien qu'elle se revendique curieusement du "style américain", celui que l'on joue dans les cérémonies à New York. C'est sans doute ce qui a joué en sa défaveur en Europe, puisque la plupart des gens se sont méfiés des informations qu'elle contenait, pensant que son contenu était différent de ce que l'on peut trouver à Cuba. En fait, ce qui en fait justement un ouvrage de grand intérêt est le fait qu'on y trouve d'anciennes manières de jouer, qui ont quasiment disparu à La Havane. Comparez-donc la façon dont joue Andrés Cruz le toque Latopa à Eleguá dans le film "Historia de un Ballet" (1962) - on peut en voir les extraits sur ce blog - et la transcription du toque ci-dessous, et vous verrez qu'il s'agit de la même manière de jouer!!!

Transcription du toque à Eleguá "Latopa"


Les auteurs sont Steven Cornelius, un percussionniste américain ayant enseigné à l'université de Madison (Wisconsin) et professeur au BGSU College of Musical Arts (Ohio), et John Amira, un autre percussionniste ayant étudié (et joué) les batá aux USA depuis le début des années 1960. Nous reparlerons plus longuement de John Amira dans un futur article sur la méthode de batá (à la fois havanaise et matancera) de Bill Summers "Studies in Batá, Havana to Matanzas".

John Amira, photo Mark Sanders


Steven Cornelius


Elle contient 40 pages de notes, en préambule à la partie contenant les transcriptions (de plus de 80 pages). Dans ces notes, divisées en trois chapitres (contenant de nombreux sous-chapitres), soit:
-Le Contexte Historique (Historical Background)
-L'Ensemble Instrumental (The Instrumental Ensemble)
-La Structure de la Musique (Musical Structure)
un grand nombre de sujets sont abordés, sur la religion, les Orichas, l'histoire des batá à New York, les tambours et leur accord,
le déroulement des cérémonies, le concept de la clave, le principe des appels et des conversations, les frappes et les modes de jeu, les transcriptions et les consignes pour la structure des toques. Pour une fois, on précise comment se terminent les toques, ce qui est souvent omis dans les autres ouvrages.

La méthode de notation est simple, utilisant des losanges pour les "touches", points d'appui faisant partie intégrale des toques, mais jouées "piano". Le fait que ces "touches" soient présentes est également d'un grand intérêt, puisque des gens comme Mario Jáuregui les incluent dans leur jeu. Elles constituent l'équivalent havanais des "frappes supplémentaires" figurant dans le jeu matancero.
Les auteurs proposent également plusieurs versions des toques à Osun, à Oricha Oko, et à Oyá, qui proviennent de différents styles havanais. Il semble que selon les éditions anciennes de cet ouvrages (une version de "petit format" a été également commercialisée, de la première édition - 1991), les secondes versions des toques ne soient pas forcément présentes.
Un second toque à Agayú, que certains appellent parfois "Agayú Chola" est également présent. C'est le toque que joue Román Díaz dans le cd Wemilere.
La clave est systématiquement écrite comme référence en début de toque, ce qui n'autorise aucune ambigüité quand au sens des toques. Ce point a été trop souvent négligé dans d'autres ouvrages.
Très peu de points de détail des transcriptions peuvent être mis en doute: il manque bien une croche en anacrouse du second toque à Babalú Ayé, comme dans les toques à Osun, à Oricha Oko et à Obba (les trois Kán-kán de l'oro seco havanais), Cependant, si on ne trouve rien sur la croche manquante dans Babalú-Ayé, dans les notes explicatives préalables aux transcriptions, il est précisé que ces croches manquent pour les trois derniers toques - encore faut-il pouvoir lire l'anglais.
La llamada du toque à Oyá est étrange: elle ressemble trait pour trait à celle du premier toque à Obatalá, qui n'est pratiquement plus joué dans l'oro seco havanais.
Le cas du toque à Ochún est encore ici problématique, et on observe un temps de décalage entre l'ouvrage précédemment cité et celui-ci, encore une fois: le débat est ouvert…

Bien sûr, un cd est vendu avec la méthode. Au départ il était vendu séparément (15$95), mais il semble que les éditions récentes contiennent systématiquement le cd. Nous ne savons pas si ce cd a, lui, été ré-enregistré, mais le son des tambours batá y est particulièrement étrange et peu agréable.
Autre petite faute de goût à notre avis: la pochette de la nouvelle version de la méthode est particulièrement peu avenante, par rapport à l'ancienne.

L'emploi des duolets pour les syncopes dans les toques ternaires est systématiquement évité, ce qui est à notre avis un bon point, car le duolet - s'il simplifie l'écriture - "applatit" et fausse quelque peu l'interprétation, en introduisant un notion de "liaison" entre les coups contenus dans le duolet, gommant ainsi la présence d'appuis éventuels pour mieux jouer la syncope, juste avant celle-ci.

Photo©T.W.Sanders


Plusieurs autres (petits) points négatifs sont, selon nous, à relever:
On décrit, photo à l'appui, une frappe sur okónkolo comme "okónkolo muff" (soit: "presionado" sur l'enú d'okónkolo - sic), à notre avis il s'agit-là d'une erreur d'édition puisqu'il n'en est nulle part fait mention dans l'ouvrage.
On décrit également, toujours photo à l'appui, la position de la main sur l'enú d'iyá ("iyá tone"), or cette position de la main est pour nous inexacte. Elle n'est pas tout-à-fait semblable à celle utilisée sur itótele pour ce "coup ouvert", mais jamais nous ne pourrons approuver cette technique, ni jamais n'avons-nous vu semblable technique !! (voir ci-dessous).
Nous savons parfaitement qu'il existe - ils sont quand même une minorité - d'excellents joueurs de batá utilisant la même technique sur iyá que sur itótele (pour l'enú), mais cette technique de jeu, nous le pensons probablement à raison, ne doit pas être montrée comme un modèle, et encore moins comme unique modèle. La position qui est la plus utilisée est celle que l'on peut voir sur la photo ci-dessous, sur laquelle on voit la main de notre ami José Fernández (la photo a été inversée, car José est gaucher, pour pouvoir être mieux comparée à celle venant de l'ouvrage d'Amira, c'est pour cela qu'il semble porter son ileke d'Orula à la main droite).

Photo©T.W.Sanders



Autre point qui nous semble négatif: on appelle le "toque de tambor" "drum and güiro" ou "bembé". Nous ne savons pourquoi, ce terme de "bembé" (qui concerne une autre musique rituelle yoruba et d'autre formes de tambours) est utilisé aux USA pour un toque de Santo (utilisant les batá). Les tambours de bembé ne sont sans doute pas arrivés jusqu'au États-Unis. Cette terminologie erronée est spécifique aux USA, et ne doit pas à notre avis être considérée comme valable pour Cuba. Dans cette conception terminologique américaine - la même qui emploie le terme
d' "afro-cubain" à tort et à travers pour la musique populaire et le latin jazz - on affirme souvent que "les batá sont sacrés, et le güiro profane", ce qui est absolument faux. Il faut, aujourd'hui que Cuba n'est plus un pays fermé comme dans les années soixante-dix, tenter de dépasser ces conceptions inexactes venant des USA, seule source d'information sur Cuba pour le monde occidental pendant trop longtemps. Il est vrai que cette méthode de batá se revendique américaine, peut-être est-ce alors pour des raisons de discordance politico-religieuse avec Cuba, qui sait?

Ce dernier point justifie peut-être également l'usage systématique de termes anglais pour nommer les différentes parties des toques:
-"entrance" pour "llamada",
-"section" pour "vuelta" ou "vire",
-"call for conversation" pour "llame".

Il justifie sans doute également l'absence d'histoire des bataleros cubains. Pablo Roche, Giraldo Rodríguez et Jesús Pérez y sont à peine cités, et encore, uniquement dans les notes de bas de page, pour expliquer quels musiciens jouaient sur le disque "Afro-Tambores Batá" (voir article plus loin). Aucun détail, donc, sur l'origine de ce style qui s'affirme américain. Les seuls bataleros cubains cités sont Francisco Aguabella, Julito Collazo et Orlando "Puntilla", vivant tous aux USA.

Photo© John Amira


Néanmoins, nous classerons cet ouvrage parmi les plus sérieux et les meilleurs existant - lui qui était le premier - et nous le recommandons particulièrement à toute personne, débutant ou non les l'apprentissage des tambours batá, car on y apprendra toujours quelque chose d'intéressant. On peut même parier que quelqu'un ayant travaillé ce style et allant jouer à Cuba surprendrait agréablement par son jeu beaucoup de joueurs de batá, surtout parmi les plus vieux, et il s'entendrait certainement dire: "tu joues comme tel vieux joueur de tambour jouait".

Il semble que cet ouvrage ait disparu du catalogue Melbay, mais il est toujours disponible sur le site de White Cliffs Media, au prix de 24$95 ICI.

On peut le trouver à moins cher sur d'autres sites, en cherchant un peu, à 18$95 (avec cd), ce qui laisse à penser qu'il soit en "fin de stock", voire en voie de disparition. Autre avantage qu'a cet ouvrage sur les autres: il est beaucoup moins cher…

mercredi 23 janvier 2008

Les Méthodes de Tambours Batá: numéro quatre - Citypercussion, l'oro seco d'Ángel Bolaños

Ángel Bolaños et Julio Guerra


Média: Site internet
Langues: Français
Note: 14/20
Édition: Citypercussion.com

1: Stefan Weber; 2: Olivier Gagneux
3: Sébastien Gagneux; 4: jB Meier


Le recueil de transcriptions de l'orú seco havanais qu'on peut trouver - depuis 1996 - sur le site suisse de Citypercussion ICI, est en fait entièrement gratuit. Par contre, il ne s'agit pas à proprement parler d'une méthode de tambours batá, mais plus simplement de pages manuscrites qui ont été numérisées, et mise à la disposition du grand public: 100 pages - tout rond - de transcriptions !!. Rien que pour cette raison, le "collectif" d'artistes de Citypercussion mérite un salut tout particulier.
Le style de cet orú seco est clairement annoncé: il s'agit (principalement) de celui d'Ángel Bolaños, même si les auteurs avouent la présence de "quelques infos émanant d'autres rencontres".

Sur ce site helvétique qui ne se veut ni clinquant ni prétentieux, on trouvera quantité de choses intéressantes dans les domaines les plus variés, du folklore au contemporain. La partie cubaine du site est chapeautée par quatre percussionnistes:

-Stefan Weber,

-"jB" Meier
et les frères:
-Olivier et Sébastien Gagneux

Stefan Weber est venu du monde de la percussion africaine pour aller vers les tambours batá. Sur Olivier Gagneux il est impossible d'obtenir d'autre information que son e-mail (on ne pourra pas lui reprocher de vouloir se mettre en avant).
Sur Sébastien Gagneux on peut obtenir un peu plus d'informations: il est allé (comme beaucoup) de la musique populaire "salsa" de New York vers la musique populaire cubaine. Dans son court c.v. ne figurent pas de professeurs cubains folkloristes, mais il mentionne sa collaboration (sans préciser de quoi il s'agissait) avec rien de moins que: le Conjunto Folklórico Nacional, Raices Profundas et Yoruba Andabó!
C'est sur jB Meier (impossible de connaître son prénom en entier - probablement Jean-Baptiste…?), on apprend un peu plus de choses: tout d'abord, il a apposé son copyright sur les transcriptions - on peut donc supposer qu'il s'agisse de son oeuvre manuscrite. Son c.v. est assez impressionnant et touche à de nombreux domaines de la percussion. Il est né à Grenoble (est-il français, a-t-il la double nationalité franco-suisse?) et a étudié au Conservatoire Supérieur de Genève (une référence en Europe). Il a étudié à Cuba avec Mario Jáuregui et Andrés Chacón, et probablement, donc, avec Ángel Bolaños.

Pas d'explications sur comment jouer les batá: les frappes, l'accord, l'histoire des tambours ne sont pas abordés.
On trouvera dans le site Citypercussion un important chapitre sur la musique cubaine, dont la plus décevante est une partie appelée "livre", dans laquelle on trouve des affirmations quelque peu fantaisistes, et parfois contradictoires, sur ce qu'on appelle ici le "folklore populaire" (sic). Exemples: "les tambours de yuka sont certainement à la base de la rumba", puis, plus loin, "l'origine de la rumba est ganga". Si l'on peut comprendre que ces "vieux" textes, qui figuraient déjà sur le site en 1996 - époque où le folklore cubain était mal connu encore en Europe - comportent de (trop nombreuses) idées hasardeuses, et abusent d'une terminologie parfois inadéquate, on peut déplorer qu'il n'ait jamais été remanié.
Mais au vu de ce qu'il offre au grand public au niveau des transcriptions, on ne peut dire de ce site qu'il soit obsolète, bien au contraire…

Citypercussion propose également de courts extraits audio d'oro seco au format Real Player, et des séquences midi des cinq premiers toques: en 1996 on croyait certainement plus à cet outil qu'on y croit aujourd'hui. Outre les extraits audio, on trouve également, toujours au format Real Player, des extraits de deux disques, soit: l'un du Conjunto Folklórico Nacional (très rare), et l'autre d'Afrocuba de Matanzas, ("Rituales Afrocubanos"). Des transcriptions des textes des chants que l'on peut écouter dans les fichiers Real Player sont proposées. Le problème est que ces derniers sont au nombre de… quatre (deux pour Eleguá, un pour Ogún, un pour Babalú Ayé). Il semble qu'un travail ait été ici mis en chantier, puis rapidement abandonné, malheureusement pour nous tous.

3 des 6 pages proposées
du toque "Latopa" à Eleguá


Les transcriptions "brutes" ont été réalisées avec un soin relatif, mais les rythmes transcrits ont le mérite d'être plutôt authentiques et précis. On utilise quantité de duolets dans les transcriptions ternaires (nous avons déjà exprimé notre avis à ce sujet dans les articles précédents), et des triolets dans les transcriptions binaires, ainsi que des superpositions de métriques différentes pour deux parties parallèles de tambours. Tous ces éléments peuvent déconcerter les novices n'ayant jamais abordé les tambours bata, étant l'absence d'explications founies…
Les indications pour débuter et finir les toques sont assez claires, et le cycle de la clave est respecté (mais non-transcrit), mais trop souvent condensé en une mesure (nous avons également exprimé notre avis à ce sujet plus haut). Il est vrai qu'ici aucune ambition de publication officielle n'est affirmée, et le caractère "notes de brouillon" des transcriptions a quelque chose de sympathique, malgré tout…

"jB" Meier


Les nombreuses variantes d'iyá proposées sont du plus grand intérêt. L'introduction du toque à Osáin, "qui rompt le cycle du toque" est intéressante car on ne la rencontre que rarement, bien qu'elle existe bel et bien ainsi jouée. Le toque à Osáin tel qu'il est transcrit ici dans sa totalité est globalement très intéressant, surtout dans les llames de passage, peu courants mais authentiques.
Un débutant sera sans doute perdu au premier abord dans l'enchevêtrement des notes manuscrites, mais quelqu'un ayant déjà étudié un style havanais (ou ayant de bonnes bases sur itótele et okónkolo y trouvera quantité d'informations capitales.
Le premier toque à Obatalá est bien présent, pour une fois (il nous semble qu'il y manque une croche en anacrouse sur la llamada initiale d'iyá - enú abierto). L'enchaînement au second toque pour Obatalá est très intéressant. La métrique utilisée y est étrange, car pour nous le toque est résolument ternaire, rien que par rapport aux chants que l'on place habituellement dessus.
La première page du toque à Agayú semble avoir disparu du site. Heureusement pour moi, j'ai pu il y a dix ans en sauvegarder une copie. Curieusement, il semble que la définition des images numérisées était moins bonne à l'époque que maintenant. La structure du toque à Oricha Oko est très confuse, ainsi que celle du toque à Ibeyí.
Le cycle du toque à Ochún est encore transcrit différemment, comparé aux transcriptions des deux ouvrages précédents. Décidément, personne n'est d'accord à ce sujet. Ce dernier fait prouve bien que c'est l'absence d'un chant "en clave" sur ce toque qui crée l'ambigüité, et que la connaissance des chants est fondamentale pour le sens du cycle des toques. La méconnaissance des chants sera souvent à l'origine des erreurs de transcription de cycles, voire parfois du placement de la pulsation, comme nous le verrons plus loin dans le cas d'autres ouvrages.

Stefan Weber


Il faut néanmoins remercier encore ce collectif de percussionnistes, dont sans doute en premier lieu "jB" Meier, pour avoir fait l'effort de diffuser gratuitement ces notes que nous considérons de toute façon précieuses (il s'agit du style de Bolaño', ce qui n'est pas anodin), et de les avoir diffusées à une époque où les tambours batá avaient en Europe une renommée encore très confidentielle, et où la seule méthode de tambour (havanaise) disponible était celle de John Amira et Steven Cornelius (1991), de style assez différent.

mardi 22 janvier 2008

Les Méthodes de Tambours Batá: numéro cinq - Oru Seco par Adrian Coburg


Média: Partitions
Langues: Anglais et Espagnol
Note: 17/20
Édition: Autoproduit 2002
6e Édition: Autoproduit 2004

Avec ce premier opus d'Adrian Coburg, nous entamons une série de dix articles (sur treize publications et deux cds), tant ce natif de Berne est prolifique. Adrian a fait son premier voyage à Cuba en 1984, à l'âge de 32 ans. À l'époque, les musiciens en quête de connaissance sur l'Afro-cubain devaient se compter à La Havane sur les doigts d'une seule main. En Suisse, il enseignait déjà, si l'on en croit son c.v., les percussions afro-cubaines et le solfège rythmique. Ses professeurs à Cuba ont été Justo Pelladito, Tomás (Ramós?) Ortiz (El Panga?) et, à Santiago, Milián Gali. Il mentionne également un certain "B.Bell" qui nous est inconnu. (pourrait-il être Manolo Semanat Bell de la Conga de los Hoyos?).

Julio Dávalos et Adrian Coburg


Entre 1994 et 2002 il étudie intensivement avec Julio Dávalos et devient Omo-Aná en 1999. Julio Dávalos "Awo Chadeé", joueur de tambours batá reconnu, a été membre du Conjunto Folklórico Nacional. Adrian Coburg a également étudié avec lui le chant. Dans les (trop) courts extraits des cds disponibles sur le site iyalodde.ch, on peut entendre Julio Davalos chanter, dans un style proche de celui de Lázaro Pedroso (qui a été formateur au CFNal.).

Ce premier ouvrage; "Oru Seco - the Bata Scores" contient 45 pages de transcriptions d'un orú seco havanais, sans doute dans le style de Dávalos (c'est bien annoncé sur les sites qui vendent la méthode, mais pas dans le livre, curieusement). Les transcriptions sont manuscrites, mais réalisées avec grand soin. On reconnaîtra-là sans doute chez Coburg le professeur de solfège et le copiste habitué à transcrire manuellement la musique, utilisant un matériel spécifique capables de tracer des traits de différentes largeurs, voire refusant les logiciels d'édition de partitions.
Le style de jeu et l'ordre des toques rappelle fortement les pratiques en usage dans le quartier de Marianao, à La Havane.

Transcription du toque à Eleguá "Latopa"
(cliquez pour agrandir)


L'usage de "touches" sur les tambours est absent des transcriptions. Le style est dépouillé: on ne trouvera par exemple aucune double-croche dans le toque "Latopa" à Eleguá sur la boca du tambour, usage qui n'est pourtant pas forcément moderne. Les llamadas, les transitions et les fins des toques sont très clairement transcrites. L'usage de frappes accentuées sur le chachá est présent pour certains "avisos", afin de prévenir d'un changement imminent, ce qui est un emploi courant chez Regino Jímenez. L'emploi de duolets est absent dans les toques ternaires, mais Coburg les remplace par deux croches pointées, ce qui présente le même inconvénient: elles induisent une idée de liaison, d'une certaine continuité entre les frappes. Nous avons déjà exprimé notre avis à ce sujet, nous qui préfèrons employer des quarts de soupir et des double-croches, qui maintiennent l'idée de syncope sans "aplatir" la figure ryhmique. Concédons au moins que l'usage de croches pointées présente l'avantage de simplifier encore plus l'écriture, en surchargeant au minimum la partition.
La mention "guiro" (pour "güiro"?) est parfois visible dans certains toques, sans qu'il ne nous ait été permis de comprendre de quoi il s'agissait.
Des noms spécifiques sont cités pour les différents vires des toques. La plupart du temps ce sont des noms de chants, ce qui constitue une référence utile. Cependant, un vire appelé "Baba Arayé (Alayé) - Emi So" est présent dans le second toque à Obatalá, sans que la forme du toque rappelle le "Emi So" en question. De plus aucun changement dans la partie d'okónkolo ne semble intervenir. Si ce toque peut effectivement être inclus par certains dans le toque à Obatalá, ce n'est pas le cas ici dans la transcription. Pourquoi alors le mentionner?

Table des matières de l'ouvrage
(cliquez pour agrandir)


Autres faits notables:
-Nous avons constaté beaucoup de points communs entre le style transcrit par Coburg et le style joué par Gilberto Herrera dans le cd (impossible à trouver aujourd'hui) "Orú - FOLKlore 5" (Sudnord Records, Italie, magnifique oro seco havanais). Ce cd n'est pourtant pas cité dans la discographie figurant à la fin de l'ouvrage. Nous n'avons pas réussi à savoir si Gilberto Herrera était de Marianao ou non, ce qui n'apparaît pas dans les notes du cd. Il serait intéressant, pour pouvoir faire une comparaison valable d'avoir à disposition le cd enregistré par Coburg et Davalos, ce qui n'est malheureusement pas le cas (pour l'instant).
-Le second "vire" de Latopa ne porte aucun titre, et est considéré comme une partie du premier "vire". Le style de ce second vire est très particulier, le nombre de coups sur le chachá étant limité au strict minimum. Si les variations d'iyá sont nombreuses pour le premier "vire" (10), et transcrites sur une page à part, aucune variation n'est citée pour aucun des autres vires.
-Notre spécialiste de la transcription réussit l'exploit d'utiliser seulement deux pages pour le toque à Ochosi!!
-Un seul "vire" est présent dans "Imbaloke" (Obaloke), ce qui semble à nouveau être une marque du style de Marianao. C'est-là un premier point commun avec l'orú enregistré par Gilberto Herrera.

Julio Dávalos, photo yellowbar.ch


-Le toque a Osun s'intercale entre Obaloke et Inle, ce qui est un ordre de l'orú en usage dans le quartier de Marianao, à La Havane. Il s'agit-là d'un autre point commun avec l'orú d'Herrera, qui place Osun entre Inle et Babalú Ayé. La transcription de ce toque comporte une petite erreur, à notre avis, car il manque visiblement une double-croche sur la boca d'iyá avant de retourner de la troisième partie du toque à la seconde. De plus, ce retour à la seconde partie est à nouveau un style en usage à Marianao, et encore un point commun avec Herrera.
-Un "aviso" spécial est utilisé pour passer du premier toque à Babalú Ayé (Iyankota) au second.
-Le toque à Yewá est placé après celui à Babalú Ayé, ce qui rappelle le style matancero. Il comporte même "la explosión", toque qu'aurait inventé par Pancho Kinto (selon certains). Cet usage à La Havane est pour nous inédit depuis… l'oro enregistré par Lydia Cabrera en 1957!!
-À la fin du toque à Oricha Oko, la llamada pour le toque a Ibeyi est transcrite, mais n'est pas annoncée comme telle, ce qui laisse croire qu'elle fait partie du toque à Oricha Oko. Il y a ici un risque certain de confusion.
-Le toque à Changó (Didilaro) ne comporte que les deux premiers vires du toque, tout comme l'orú d'Herrera.
-Le toque à Obatalá est placé après Changó, comme dans l'ordre de l'oro cantado, et comme dans l'orú d'Herrera. Le premier toque à Obatalá est bien présent. Le cycle du dernier vire du second toque à Obatalá (chikambó) est très étrange. Il semble qu'il y manque des barres de renvoi dans sa seconde partie.
-À la fin du toque à Obba, la conversation ressemblant à celle de chachalokafun est citée, et les indications manuscrites semblent encourager (de façon optionnelle, cependant) à jouer ce toque. Ce fait nous ramène à l'emploi de ce dernier toque à la suite du toque a Obba dans le cd "Codex 21" de Bwa Caïman (voir l'article correspondant).
-Le toque a Oyá est "Oyá m'bikú", tout comme dans l'orú d'Herrera.
-Sans qu'aucune précision soit apportée, le second toque à Oyá est également présent, dès son premier vire. Or on joue soit l'un, soit l'autre, Oyá m'bikú "rejoignant" certes le second toque sur sa fin, mais sans qu'on passe par le début de ce dernier. Il est dommage de ne pas avoir précisé ce fait. On n'a pas ici à notre disposition de fin déterminée de la première option (Oyá m'bikú + Oyá por derecho derniers vires).
-Le toque à Orula est placé après celui à Yemayá, comme dans l'orú d'Herrera.
-Le cycle du toque à Ochún est transcrit comme dans l'ouvrage de John Amira et Steven Cornelius (voir plus haut), ce qui nous fait au moins deux personnes d'accord sur le cycle du toque (enfin…!).

La clave n'est jamais citée en référence, encore une fois, et certains toques sont transcrits sur un cycle de la clave en une seule mesure. Ceci dit, le cas survient rarement dans cet ouvrage, nous apprécierons ce fait. C'est le cas du toque à Ogún, dont le cycle est pourtant transcrit sur deux mesures (soit… deux claves!). Les toques à Ogún, le 3e vire du toque à Osáin, le dernier vire du toque à Obatalá (Chikambó), sont les rares toques dans ce cas (clave en seule mesure).

Adrian Coburg au sein du groupe Okantomi


On regrettera l'absence d'explications et de commentaires, pourtant bien utiles aux débutants. Seuls les joueurs de batá de niveau intermédiaire, voire avancé, y trouveront leur compte.
Adrian Coburg n'a visiblement pas la volonté de s'étendre sur la face extra-musicale de l'afro-cubain (histoire, langue, religion, sources africaines…). C'est son droit le plus strict. Au moins, il en laisse ainsi le soin aux spécialistes, et ne se lance pas dans des domaines qu'il ne maîtrise peut-être pas. On devine pourtant que sa longue expérience lui a permis d'en apprendre beaucoup à ces sujet. Il évite cependant ainsi les erreurs que certains auront commis, ne maîtrisant pas leur sujet par manque ou par absence d'expérience en la matière.

Nous apprécierons la qualité remarquable de cet ouvrage dans sa globalité, la précision des relevés ainsi que le nombre conséquent de variations d'iyá, qui en font un ouvrage digne d'intérêt, au même titre que les meilleurs ouvrages américains. Dès que j'ai pu avoir accès à cet ouvrage, et que j'ai constaté sa qualité, je me suis empressé de faire commander toute la série par le Conservatoire de Toulon, afin que tous les élèves y aient accès.
-On peut commander tous ces volumes sur le site de Coburg, iyalodde.ch, ICI, le volume "Oru Seco - the Bata Scores" y étant vendu au prix de 35$ (plus 10$ de frais de port). Sur le plan international les distributeurs ne se sont pas trompés sur sa qualité, puisqu'on peut trouver la plupart de ses transcriptions sur des sites spécialisés parmis les plus sérieux tels:
-Descarga.com ICI, (USA - 35$ plus port), qui propose le "pack" des 13 ouvrages de Coburg pour… 474$98 (plus le prix du port qui doit être conséquent, puisque leur "shipping value" est de 56!), et
-One Voice Music, ICI, (UK - 23£49 + port).

Un cd audio qui accompagne les deux ouvrages de Coburg ("Oru Seco" et "Oru Cantado") est également vendu (voir l'article suivant).

lundi 21 janvier 2008

- Les Méthodes de Tambours Batá: numéro six - Ilufumí.com par Dominik Burch



Média: Site Internet
Langue: Allemand et Anglais
Note: 14/20
Diffusion: Ilufumí.com

En faisant des recherches sur le net, nous avons découvert hier un site sur les batá havanais: Ilufumí.com, du Dominik BurchSuisse , qui comporte environ 50 pages manuscrites de transcriptions de toques dans le style d'Ángel Bolaños (encore lui), et en prime 16 pages de transcriptions de toques arará, dans le style Sabalú, dont la source est "Maño" Rodríguez Pedroso, l'un des grands spécialistes matanceros des tambours arará vivant à La Havane (Maño est membre du Groupe Clave y Guaguancó depuis plus de 15 ans).

(Ángel Bolaños)


C'est encore une fois à un membre de la Confédération Helvétique à qui nous consacrons un article, lui qui offre gratuitement ses transcriptions au format gif sur son site, tout comme jB Meier sur Citypercussion.com.

(Dominik Burch)


Nous publions ici quelques extraits de ces relevés manuscrits. Il ne s'agit pas cette fois de l'oro seco, mais de:
-5 toques génériques (Yakotá, Ñongo, Chachalokafún, Iyesá, et Arará "atrás"),
et des toques spécifiques classés Oricha par Oricha:
-2 toques pour Eleguá: Ilúbanche et Eleguá Nitá
-1 toque pour Ochosi: "Ochosi Ayilodda" (ou "Tere Mina Tere").
-3 toques pour Obatalá: Baba Dide (ou "Aró Dide"), Oduaremú O (et son "vire" Baba mi Chokotó), et Bonko Iwonloro.
-11 toques pour Changó: Tui-tui de Changó, Bayuba, Meta, Eni Aladó, Aladó o kú o (suite 1 de Ení Aladó), "Changó Enile o" (ressemblant à Didilaro), Yeyé Kuyé Laworo, Foma Oguedde, Iyamase lo bí Changó, Wemilere (et Emi so) et Ewin Pami.
-3 toques pour Agayú: Agayú "1ère partie" (joué parfois comme second toque dans l'oro cantado), Agayú "2e et 3e partie", Agayú Cholañi o, et Elekotó.
-1 toque pour Yemayá: Omolode.
-6 toques pour Ochún: Gbamilé Ochún, Chakumaleke, Cheke-cheke, Gbi ma Ochún, Ochiché Iguama, et Eni o Gbogbo Soloyú.
-2 toques pour Oyá: Bayubá Ka Nte, Oyambikú,
-1 toque pour Yewá: Yewá Kunfere Awasilode.
Soit 35 toques en tout.


Avant de dire quoi que ce soit sur les transcriptions, il nous faut citer l'avertissement de Dominik Burch en tête de chaque page de son site dans lesquelles cells-ci apparaîssent:
"Vous trouverez ici mes transcriptions personnelles, que j'ai faites en étudiant avec Ángel Pedro Bolaños. Elle sont représentatives du style havanais, et plus spécifiquement du style de Bolaños. (…) Celui-ci a toujours insisté sur le fait qu'on ne devrait jamais copier les floreos d'autres joueurs de tambour, mais plutôt développer sa propre voix. C'est pour cela que je ne présente ici que les versions de base des toques. Veuillez prendre en compte le fait que ces transcriptions n'auraient jamais été dû être diffusées publiquement, qu'elles contiennent quelques contradictions, et que quelques libertés ont été prises par rapport au système de notation conventionnelle. De plus, il faut noter que certains rythmes de tambours batá ne peuvent pas être écrits exactement tels qu'ils doivent sonner sous peine de devenir irréalisables. Dans de tels cas, les transcriptions ne peuvent que représenter une approximation du résultat sonore réel. (…) Enfin, ces transcriptions ne constituent que des points de référence. Aucun livre ni aucune partition ne sauraient remplacer un professeur compétent, et surtout pas dans le cas des batá. (…) Les transcriptions présentées ici peuvent être utilisées dans un cadre privé et à but non-commercial".


Pour entendre Dominik Burch jouer (avec Bolaños jouant iyá) il suffit d'aller dans la partie de son site où il se présente lui-même ainsi que ses nombreux professeurs à Cuba (15). Burch y joue itótele sur un Cierre-Aña (de Eggun à Oyá). On apprend également qu'il a joué en cérémonie avec le tambour de Bolaños et celui de "Marquetti", qu'il est Omo-Añá et Babalawo.

Ces précisions apportées par Dominik Burch sont importantes, car il s'y positionne clairement. Il annonce lui-même que ses relevés ne sont pas parfaits. En effet, nous y trouverons plusieurs bizarreries: Ñongo est transcrit en… clave 2/3, et Chachalokafún est transcrit en ternaire. L'absence de variations d'iyá sera plus frustrante sur les toques simples (Yakotá, Ñongo, Arará "atrás"…), que sur les toques plus complexes, comportant des conversations obligatoires.


L'intérêt majeur de ce qu'à transcrit Burch est la somme de toques spécifiques dont il n'est pas toujours simple de trouver des versions dans des disques (essayez-donc de trouver plusieurs versions du toque Ewinpami). La moitié des toques sont pour Changó et Ochún: 17 toques à eux deux, dont le répertoire est il est vrai plus étendu que pour bien des Orichas.


Ni le cycle de la clave ni le chant ne sont pris en référence, alors qu'il s'agit de toques chantés pour la plupart. Pas d'indication de vitesses, non plus. les toques sont bien écrits en respectant le cycle de la clave, mais beaucoup de toques sont (encore une fois…) transcrits selon une cellule de la clave en une seule mesure.
Dans les toques pour Changó, seul Foma Oguedde nous a paru transcrit avec un cycle décalé. Les toques "Ebinkpami 1 et 2" sont en fait "Oferere". Seul le "Ebinkpami 3" semble être le bon. Le toque "Ochiche Iguama" pour Ochún est également transcrit décalé par rapport au cycle de la clave.


On regrettera l'absence de plus de matière sur Ñongo. La lisibilité des transcriptions manuscrites est bien plus grande que celle du site Citypercussion (Dominik Burch connaît Sébastien Gagneux), même si elle n'atteint pas la clarté de celles d'Adrian Coburg. En tout cas on peut dire que la Suisse fournit des musiciens qui sont généreux avec les transcriptions, sans doute aimerait-on avoir la même profusion en France. Nos amis suisses seraient-ils plus désintéressés que nous?

Ces nouvelles transcriptions sortent du câdre pédagogique habituel de l'oro seco, et c'est, nous l'avons dit, leur principal attrait. Une phrase de Dominik Burch extraite de son site nous a interpellé. Il nous dit; "on ne trouvera pas ici de transcriptions de l'orú seco ni des toques pous les Eggun". Il faut peut-être voir là une manière de marquer, en tant qu'Omo-Añá, sa désapprobation à transmettre ces toques. Certains joueurs de batá refusent d'enseigner les toques pour les Eggun. Il faut rappeler que ces salutations rituelles invoquent directememt les divinités. L'orú seco est toujours joué par les musiciens les plus compétents en matière d'Añá, il est en cela la plus solemnelle d'un toque de Santo.

"Maño" Rodríguez Pedroso


Un autre atout non-négligeable du site Ilfumí est le partie dédiée aux toques arará étudiés avec "Maño", reconnu par tous comme un grand spécialiste. Ce sont-là des informations peu courantes et difficiles à obtenir à La Havane, tant ce style y disparaît. Et peu nombreux sont les musiciens qui iront étudier à Matanzas ou à Jovellenos pour ce style un peu marginal.