Média: Partitions
Langues: Anglais et Espagnol
Note: 17/20
Édition: Autoproduit 2002
6e Édition: Autoproduit 2004
Avec ce premier opus d'Adrian Coburg, nous entamons une série de dix articles (sur treize publications et deux cds), tant ce natif de Berne est prolifique. Adrian a fait son premier voyage à Cuba en 1984, à l'âge de 32 ans. À l'époque, les musiciens en quête de connaissance sur l'Afro-cubain devaient se compter à La Havane sur les doigts d'une seule main. En Suisse, il enseignait déjà, si l'on en croit son c.v., les percussions afro-cubaines et le solfège rythmique. Ses professeurs à Cuba ont été Justo Pelladito, Tomás (Ramós?) Ortiz (El Panga?) et, à Santiago, Milián Gali. Il mentionne également un certain "B.Bell" qui nous est inconnu. (pourrait-il être Manolo Semanat Bell de la Conga de los Hoyos?).
Entre 1994 et 2002 il étudie intensivement avec Julio Dávalos et devient Omo-Aná en 1999. Julio Dávalos "Awo Chadeé", joueur de tambours batá reconnu, a été membre du Conjunto Folklórico Nacional. Adrian Coburg a également étudié avec lui le chant. Dans les (trop) courts extraits des cds disponibles sur le site iyalodde.ch, on peut entendre Julio Davalos chanter, dans un style proche de celui de Lázaro Pedroso (qui a été formateur au CFNal.).
Ce premier ouvrage; "Oru Seco - the Bata Scores" contient 45 pages de transcriptions d'un orú seco havanais, sans doute dans le style de Dávalos (c'est bien annoncé sur les sites qui vendent la méthode, mais pas dans le livre, curieusement). Les transcriptions sont manuscrites, mais réalisées avec grand soin. On reconnaîtra-là sans doute chez Coburg le professeur de solfège et le copiste habitué à transcrire manuellement la musique, utilisant un matériel spécifique capables de tracer des traits de différentes largeurs, voire refusant les logiciels d'édition de partitions.
Le style de jeu et l'ordre des toques rappelle fortement les pratiques en usage dans le quartier de Marianao, à La Havane.
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L'usage de "touches" sur les tambours est absent des transcriptions. Le style est dépouillé: on ne trouvera par exemple aucune double-croche dans le toque "Latopa" à Eleguá sur la boca du tambour, usage qui n'est pourtant pas forcément moderne. Les llamadas, les transitions et les fins des toques sont très clairement transcrites. L'usage de frappes accentuées sur le chachá est présent pour certains "avisos", afin de prévenir d'un changement imminent, ce qui est un emploi courant chez Regino Jímenez. L'emploi de duolets est absent dans les toques ternaires, mais Coburg les remplace par deux croches pointées, ce qui présente le même inconvénient: elles induisent une idée de liaison, d'une certaine continuité entre les frappes. Nous avons déjà exprimé notre avis à ce sujet, nous qui préfèrons employer des quarts de soupir et des double-croches, qui maintiennent l'idée de syncope sans "aplatir" la figure ryhmique. Concédons au moins que l'usage de croches pointées présente l'avantage de simplifier encore plus l'écriture, en surchargeant au minimum la partition.
La mention "guiro" (pour "güiro"?) est parfois visible dans certains toques, sans qu'il ne nous ait été permis de comprendre de quoi il s'agissait.
Des noms spécifiques sont cités pour les différents vires des toques. La plupart du temps ce sont des noms de chants, ce qui constitue une référence utile. Cependant, un vire appelé "Baba Arayé (Alayé) - Emi So" est présent dans le second toque à Obatalá, sans que la forme du toque rappelle le "Emi So" en question. De plus aucun changement dans la partie d'okónkolo ne semble intervenir. Si ce toque peut effectivement être inclus par certains dans le toque à Obatalá, ce n'est pas le cas ici dans la transcription. Pourquoi alors le mentionner?
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Autres faits notables:
-Nous avons constaté beaucoup de points communs entre le style transcrit par Coburg et le style joué par Gilberto Herrera dans le cd (impossible à trouver aujourd'hui) "Orú - FOLKlore 5" (Sudnord Records, Italie, magnifique oro seco havanais). Ce cd n'est pourtant pas cité dans la discographie figurant à la fin de l'ouvrage. Nous n'avons pas réussi à savoir si Gilberto Herrera était de Marianao ou non, ce qui n'apparaît pas dans les notes du cd. Il serait intéressant, pour pouvoir faire une comparaison valable d'avoir à disposition le cd enregistré par Coburg et Davalos, ce qui n'est malheureusement pas le cas (pour l'instant).
-Le second "vire" de Latopa ne porte aucun titre, et est considéré comme une partie du premier "vire". Le style de ce second vire est très particulier, le nombre de coups sur le chachá étant limité au strict minimum. Si les variations d'iyá sont nombreuses pour le premier "vire" (10), et transcrites sur une page à part, aucune variation n'est citée pour aucun des autres vires.
-Notre spécialiste de la transcription réussit l'exploit d'utiliser seulement deux pages pour le toque à Ochosi!!
-Un seul "vire" est présent dans "Imbaloke" (Obaloke), ce qui semble à nouveau être une marque du style de Marianao. C'est-là un premier point commun avec l'orú enregistré par Gilberto Herrera.
-Le toque a Osun s'intercale entre Obaloke et Inle, ce qui est un ordre de l'orú en usage dans le quartier de Marianao, à La Havane. Il s'agit-là d'un autre point commun avec l'orú d'Herrera, qui place Osun entre Inle et Babalú Ayé. La transcription de ce toque comporte une petite erreur, à notre avis, car il manque visiblement une double-croche sur la boca d'iyá avant de retourner de la troisième partie du toque à la seconde. De plus, ce retour à la seconde partie est à nouveau un style en usage à Marianao, et encore un point commun avec Herrera.
-Un "aviso" spécial est utilisé pour passer du premier toque à Babalú Ayé (Iyankota) au second.
-Le toque à Yewá est placé après celui à Babalú Ayé, ce qui rappelle le style matancero. Il comporte même "la explosión", toque qu'aurait inventé par Pancho Kinto (selon certains). Cet usage à La Havane est pour nous inédit depuis… l'oro enregistré par Lydia Cabrera en 1957!!
-À la fin du toque à Oricha Oko, la llamada pour le toque a Ibeyi est transcrite, mais n'est pas annoncée comme telle, ce qui laisse croire qu'elle fait partie du toque à Oricha Oko. Il y a ici un risque certain de confusion.
-Le toque à Changó (Didilaro) ne comporte que les deux premiers vires du toque, tout comme l'orú d'Herrera.
-Le toque à Obatalá est placé après Changó, comme dans l'ordre de l'oro cantado, et comme dans l'orú d'Herrera. Le premier toque à Obatalá est bien présent. Le cycle du dernier vire du second toque à Obatalá (chikambó) est très étrange. Il semble qu'il y manque des barres de renvoi dans sa seconde partie.
-À la fin du toque à Obba, la conversation ressemblant à celle de chachalokafun est citée, et les indications manuscrites semblent encourager (de façon optionnelle, cependant) à jouer ce toque. Ce fait nous ramène à l'emploi de ce dernier toque à la suite du toque a Obba dans le cd "Codex 21" de Bwa Caïman (voir l'article correspondant).
-Le toque a Oyá est "Oyá m'bikú", tout comme dans l'orú d'Herrera.
-Sans qu'aucune précision soit apportée, le second toque à Oyá est également présent, dès son premier vire. Or on joue soit l'un, soit l'autre, Oyá m'bikú "rejoignant" certes le second toque sur sa fin, mais sans qu'on passe par le début de ce dernier. Il est dommage de ne pas avoir précisé ce fait. On n'a pas ici à notre disposition de fin déterminée de la première option (Oyá m'bikú + Oyá por derecho derniers vires).
-Le toque à Orula est placé après celui à Yemayá, comme dans l'orú d'Herrera.
-Le cycle du toque à Ochún est transcrit comme dans l'ouvrage de John Amira et Steven Cornelius (voir plus haut), ce qui nous fait au moins deux personnes d'accord sur le cycle du toque (enfin…!).
La clave n'est jamais citée en référence, encore une fois, et certains toques sont transcrits sur un cycle de la clave en une seule mesure. Ceci dit, le cas survient rarement dans cet ouvrage, nous apprécierons ce fait. C'est le cas du toque à Ogún, dont le cycle est pourtant transcrit sur deux mesures (soit… deux claves!). Les toques à Ogún, le 3e vire du toque à Osáin, le dernier vire du toque à Obatalá (Chikambó), sont les rares toques dans ce cas (clave en seule mesure).
On regrettera l'absence d'explications et de commentaires, pourtant bien utiles aux débutants. Seuls les joueurs de batá de niveau intermédiaire, voire avancé, y trouveront leur compte.
Adrian Coburg n'a visiblement pas la volonté de s'étendre sur la face extra-musicale de l'afro-cubain (histoire, langue, religion, sources africaines…). C'est son droit le plus strict. Au moins, il en laisse ainsi le soin aux spécialistes, et ne se lance pas dans des domaines qu'il ne maîtrise peut-être pas. On devine pourtant que sa longue expérience lui a permis d'en apprendre beaucoup à ces sujet. Il évite cependant ainsi les erreurs que certains auront commis, ne maîtrisant pas leur sujet par manque ou par absence d'expérience en la matière.
Nous apprécierons la qualité remarquable de cet ouvrage dans sa globalité, la précision des relevés ainsi que le nombre conséquent de variations d'iyá, qui en font un ouvrage digne d'intérêt, au même titre que les meilleurs ouvrages américains. Dès que j'ai pu avoir accès à cet ouvrage, et que j'ai constaté sa qualité, je me suis empressé de faire commander toute la série par le Conservatoire de Toulon, afin que tous les élèves y aient accès.
-On peut commander tous ces volumes sur le site de Coburg, iyalodde.ch, ICI, le volume "Oru Seco - the Bata Scores" y étant vendu au prix de 35$ (plus 10$ de frais de port). Sur le plan international les distributeurs ne se sont pas trompés sur sa qualité, puisqu'on peut trouver la plupart de ses transcriptions sur des sites spécialisés parmis les plus sérieux tels:
-Descarga.com ICI, (USA - 35$ plus port), qui propose le "pack" des 13 ouvrages de Coburg pour… 474$98 (plus le prix du port qui doit être conséquent, puisque leur "shipping value" est de 56!), et
-One Voice Music, ICI, (UK - 23£49 + port).
Un cd audio qui accompagne les deux ouvrages de Coburg ("Oru Seco" et "Oru Cantado") est également vendu (voir l'article suivant).
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